Où atterrir ? est une expérimentation artistique, scientifique et politique
qui propose a des citoyen·nes, des agent·es de la fonction publique et des élu·es de mener l'enquête sur leur terrain de vie à partir de leurs attachements : ce à quoi ils tiennent et qui les fait tenir.
Carnet d'atterrissage
Le Collectif Rivage, créé à Bordeaux en 2020, réunit des artistes et des scientifiques.
Carnet d'atterrissage
A la manière d'un carnet de bord, l'équipe du Collectif Rivage a documenté le bourgeonnement de l'expérimentation "Où atterrir ?" entre 2021 et 2023.
Evaluation et auto-évaluation de deux années d'expérimentation
Le financement
L’expérimentation artistique, scientifique et politique « Où atterrir ? » a été portée par le collectif Rivage, à Bordeaux et à Saint-Médard-en-Jalles, entre 2021 et 2023. Cette expérimentation, réalisée une première fois par une équipe réunie autour de Bruno Latour à Saint-Junien, a été soutenue sur le territoire girondin par le Laboratoire d’innovation territoriale du Département de la Gironde LaBase, la Direction Interministérielle de la Transformation Publique, la Scène nationale Carré-Colonnes, la Manufacture CDCN, la Mairie de Bordeaux, le Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle Cap Sciences, la Direction Régionale des Affaires Culturelles et la Région Nouvelle Aquitaine. Le présent rapport d’évaluation rend compte de ses principaux résultats.
SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS
Nous avons confronté les réponses obtenues à ce questionnaire à nos différents critères d’évaluation et nous en avons tiré 14 enseignements principaux, ici recensés sous trois axes : deux axes reprenant les questions orientant notre évaluation et déjà évoquées, et un axe plus générique, portant sur les éléments de l’expérimentation perçus comme en facilitant la réalisation.
Points saillants de l’expérimentation, facilitant ou compliquant sa réalisation et l’adhésion des participants et participantes
1) La dimension collective des ateliers
La très grande majorité des réponses collectées décrivent une dynamique collective donnant lieu à un véritable effet d'entraînement. Sont évoqués le soutien du groupe, la qualité et l’authenticité des échanges et des liens développés au sein de l’expérimentation, une écoute collective bienveillante. La dynamique collective facilite donc l’adhésion à l’expérimentation, l’engagement soutenu dans les ateliers et même dans la réalisation de l’enquête. Cette dynamique semble encouragée par plusieurs éléments : le cadre de l’expérimentation lui-même, qui, en interdisant systématiquement l’expression d’opinions et de jugements fait émerger une dynamique de groupe entrainante ; les exercices artistiques structurant ce cadre et permettant aux émotions de s’exprimer pour ensuite se transformer ; le professionnalisme des animateurs, très souvent loués pour leurs capacités à faciliter les échanges et à fédérer le groupe ; et les moments conviviaux, jugés encore trop peu nombreux par rapport aux temps de travail.
-
Verbatims : « J’ai aimé les échanges qui sont dans le non-jugement » ; « Le dispositif permet l’écoute et la bienveillance » ; « Je retiens la qualité de l’animation, les liens qui se nouent et les collaborations qui se construisent entre les participants » ; “un soutien-dialogue avec divers interlocuteur·rice·s, de superbes belles rencontres et échanges, une opportunité extraordinaire - un superbe cadeau » ; « J’ai aimé partager les concernements et doutes ou peurs » ; « Possibilité de sortir d'une colère sourde ou d'une peur paralysante pour aller vers une clarification de la pensée. Sortir des généralités. Préciser son concernement. »
2) Un engagement sur le temps long avec un respect du rythme de chacun
Si le cadre de l’expérimentation parvient à créer cet effet d'entraînement lié au collectif, celui-ci semble effectivement nécessaire pour que certains participants et participantes continuent de s’investir dans l’expérimentation qui requiert un engagement sur le temps long. Différents facteurs expliquent cette exigence : la durée complète du dispositif ( un ou deux ans), la durée des ateliers ( un après-midi ou une journée ) et leur récurrence( une fois tous les mois ou les deux mois), l’effort soutenu dans le temps pour réaliser son enquête. Notons que cette temporalité longue, participe du cadre de l’expérimentation lui-même, tel qu’il a été pensé initialement. Les participants ont souligné le respect du rythme de chacun tout au long de l’expérimentation.
-
Verbatims : « La démarche demande du temps pour se détacher de la posture militante, ou simplement accepter de ne plus donner son opinion » ; « La démarche requiert un certain niveau d’engagement, sur le temps long » ; (...)liberté des participants réellement respectée car les animateurs n'animent pas un collectif, ils ne feront pas à la place des participants et ne sont pas responsables de la manière dont les participants évoluent individuellement dans la démarche”; “Le fait également de permettre à chacun de rentrer dans l'expérimentation qu'il soit au début ou en cours. Pour moi qui ait commencé, cela m'a permis de comprendre la progression et de traverser différentes étapes même si j'en étais au tout début de mon concernement.”
Celles et ceux qui ont uniquement suivi les premiers ateliers sans pouvoir participer à l’ensemble du processus n’ont pas eu le temps d’assimiler la dimension écologique et politique de l’expérimentation. Ainsi, il semblerait que l’expérimentation ne puisse être vraiment comprise qu’en suivant celle-ci sur le temps long, là où certains préfèrent la quitter avant.
-
Verbatims : « L’approche ne suscite pas de travail collectif, les concernements présentés me paraissaient souvent « anecdotiques », peu enclins à ouvrir vers des enjeux collectifs et des mobilisations communes » ; « Il est facile de se perdre, j’aurais aimé un cadre plus structurant, moins complexe, même si je doute que ce soit simplement possible… » ; « La difficulté de connecter certains concernements avec le vivant, notamment le réchauffement climatique, et avec l'interpellation politique. »
3) La méthodologie et la multiplicité des médiums artistiques, scientifiques et politiques
Les participants insistent sur l’originalité de la méthodologie et l’hybridation des médiums artistiques, scientifiques et politiques qui permettent d’expérimenter la complexité des différentes disciplines. L’articulation entre les approches sensorielles et réflexives soutient le processus d’enquête et permet aux participants de développer des capacités d'expression, d’acuité, d’écoute et de rentrer dans la complexité des situations.
Les exercices artistiques ont un caractère éprouvant car ils demandent du temps et demandent à être traversés, vécus pour être métabolisés.
-
Verbatims : « la question de l'hybridation entre le corps, le théâtre et les questions réflexives” ; “plaisir d'hybrider les médiums artistiques et scientifiques (au sens large) pour mener l'enquête» ; « la mise en danse, les émotions, la vocalisation (pas du tout l'habitude). Des apports théoriques à la fois profonds et accessibles.” « J’ai trouvé parfois les temps d’expression corporelle et de chants un peu longs.» ; « N'étant pas très habitué au théâtre, les parties de mis à corps ou de réchauffement du corps sont parfois difficiles pour moi. Mais ça va !» ; « Parfois, les mises en corps et en mouvement me mettent dans l'embarras et je dois me faire violence pour entrer dans le jeu - Cela m'a été utile : gagner confiance, exutoire. » ; « L'exercice de la description qui s'affine au cours des ateliers permet de comprendre la complexité des enjeux de la question posée, et d'y faire face. »
4) L’accompagnement à l’enquête
Les temps dédiés à l’accompagnement à l’enquête reviennent comme étant des éléments saillants très positifs et comme une composante essentielle de l’expérimentation. Les participants témoignent de la nécessité des entretiens individuels appelés kiosques. Les participants, qui n’ont pas pu bénéficier de kiosques au moment nécessaire, ont souffert d'un manque d’aide et de conseils. Enfin, il est souligné que l’accompagnement à l’enquête prend aussi forme au sein du groupe, qui selon les règles de l’expérimentation reposent sur le partage d’expériences et non sur des interventions prescriptives.
-
Verbatims : « Les kiosques sont hyper précieux » ; « Sans accompagnement, je n’aurai certainement pas eu l’énergie et les outils pour structurer ma demande et l’argumenter. » ; « La détermination et le soutien de Loïc et Maëliss ont été déterminants pour garder l’engagement face aux différents obstacles. » ; « La possibilité de se sentir soutenue pour aller au bout de nos intentions. » ; « Où atterrir ? m’a amené à penser grand, et puis ensuite je manquais d’aide ou de conseil. » ; « La démarche et le groupe ne sont pas prescriptifs dans les actions à mener, il s'agit de s'inspirer des retours d'expériences, ce qui contribuent encore à conserver toute liberté tout en suivant la démarche. »
5) Le partage des enquêtes
Un grande partie des réponses mettent l’accent sur les enrichissement liés au partage des enquêtes entre les participants pendant les ateliers. Ces partages d’expérience ont été un appui à l’enquête et une source d’apprentissage. Le partage des enquête a dépassé le cadre des ateliers puisque certains participants ont pu partager leur concernement avec leur entourage.
-
Verbatims : « On apprend beaucoup des partages d'enquête des autres. » ; « Également de nombreux apports très riches partagés dans les ateliers, sur des thèmes où les interventions sont nombreuses dans les médias mais rarement intéressantes. » ; « Entendre les concernements des autres, rencontrer des personnes que je n'aurai pas croisé dans mon quotidien. » ; « Le fait de partager les boussoles permet de développer la confiance en moi et d'éprouver de la reconnaissance envers les autres ,pour la confiance qu'ils me font de partager la leur. » ; « Pouvoir partager un de mes concernements avec ma famille. »
6) La dimension expérimentale du processus
Certains participants soulignent l’intérêt pour le caractère expérimental et innovant du dispositif qui motivent l’équipe à proposer de nouveaux outils. Des modes de représentation du processus pour se repérer dans les différentes étapes de l’expérimentation ont manqué à certains participants qui ont ressenti le besoin de se situer dans la démarche et de pouvoir le partager avec leurs proches.
-
Verbatims : « La volonté constante des animateurs d’expérimenter de nouvelles approches et de mettre à disposition des participants de nouveaux outils. » ; « Peut être avoir une sorte de pas à pas ou de fil qui permet de savoir dans quelle étape nous sommes ou en sorte de carte mentale.» ; « Même si cela est inhérent à une démarche expérimentale, le manque de visibilité sur l'objectif final - voire même sur chacune des étapes à venir du processus - peut être démobilisateur » ; « La difficulté à faire comprendre à ses proches ce qui se passe dans ces ateliers.»